L’âge attendu du départ à la retraite augmente en Europe
Une nouvelle étude, basée sur les données de SHARE, examine comment les européens s’adaptent aux politiques visant à allonger la vie active. C’est l’occasion d’observer les différences entre certains pays et entre divers groupes de la population.
En bref :
(Décembre 2021)
Alors que les populations européennes connaissent depuis des décennies une augmentation significative de la proportion des personnes âgées, de nombreux experts affirment que la durabilité des systèmes de protection sociale est menacée. Les pensions d’une génération âgée de plus en plus importante doivent être financées par une génération de travailleurs de plus en plus petite. En réponse, les décideurs politiques ont mis en œuvre des mesures visant à prolonger la vie active individuelle.
Dans une nouvelle étude (1) utilisant les données de l’Enquête sur la Santé, le Vieillissement et la Retraite en Europe (SHARE), une équipe de chercheurs examine comment ce changement démographique a affecté l’âge attendu du départ à la retraite des travailleurs de 50 ans et plus dans dix pays européens. L’analyse montre que l’âge moyen de départ à la retraite a augmenté dans ces pays et souligne comment la santé et la situation financière influencent cette décision, ce qui menace d’aggraver les inégalités sociales.
Une comparaison dans le temps entre les pays grâce aux données SHARE
Les chercheurs ont analysé les données SHARE issues d’entretiens menés auprès de plus de 15 000 individus en emploi, âgés de 55 à 65 ans. Ces données sont issues des vagues 1 (2004-2005) et 6 (2015), ce qui a permis de générer une comparaison dans le temps. Parallèlement, la diversité des pays étudiés (Belgique, Autriche, Allemagne, Suède, Espagne, Italie, France, Danemark, Grèce et Suisse) a permis d’identifier les différences spécifiques à chaque pays et de réfléchir au lien entre les changements de politique nationale et les comportements individuels.
Garantir la participation des personnes de 50 ans et plus au marché du travail
Le changement démographique, résultat de l’allongement de la vie et de la baisse des naissances, entraîne une inadéquation entre le nombre de retraités et d’actifs. En outre, certains pays sont confrontés à une pénurie de travailleurs qualifiés dans des secteurs spécifiques tels que la santé et l’artisanat, ce qui incite les employeurs à conserver des travailleurs âgés expérimentés. Outre le relèvement de l’âge légal de la retraite et la fermeture de chemins menant à une retraite anticipée, le « vieillissement actif » est l’une des nombreuses mesures à appliquer visant à maintenir l’intégration des plus de 50 ans sur le marché du travail.
L’effet des politiques se manifeste par le relèvement de l’âge attendu de départ à la retraite dans tous les pays étudiés
Les chercheurs ont calculé une augmentation de l’âge attendu de la retraite des travailleurs plus âgés de façon théorique en se basant sur les incitations fournies par les réformes institutionnelles. Les résultats confirment l’hypothèse selon laquelle, en moyenne, l’âge prévu de la retraite a augmenté de 1 an et 5 mois entre 2004 et 2015 dans les pays étudiés : de 63 an et 1 mois à 64 ans et 6 mois. Une augmentation se voit en effet dans tous les pays étudiés, bien qu’elle soit plus radicale dans certains. Ce qui n’empêche pas que les réformes politiques, visant à prolonger la vie active des individus, et les normes sociales qui en découlent ont un effet évident sur les comportements individuels en Europe.
Différences entre les pays
Comme le prévoyaient les chercheurs, les normes sociales liées à l’âge, propres à chaque pays, semblent jouer un rôle dans la détermination de l’ampleur de l’augmentation de l’âge attendu du départ à la retraite dans un pays. Avec une augmentation de 3 ans et 10 mois, l’Italie montre la plus forte réaction au changement de politique. Alors que l’âge attendu de la retraite est particulièrement élevé dans les pays scandinaves (66 ans et 6 mois au Danemark et 64 ans et 11 mois en Suède par exemple), c’est en Autriche qu’il est le plus bas (61 ans et 10 mois).
Différences selon le sexe, la classe sociale et l’état de santé
Il existe également des différences significatives selon le sexe et l’appartenance à un groupe social. La tendance est que les femmes envisagent de prendre leur retraite plus tôt que les hommes, peut-être en raison d’un ancrage moins important au marché du travail et de l’accessibilité de certaines options de retraite anticipée. On constate que les personnes ayant des difficultés financières prennent leur retraite plus tard que les autres, car une retraite différée peut atténuer les chocs financiers et conduire à des pensions de retraite plus élevées. De même, il semble que les travailleurs peu qualifiés s’attendent à devoir travailler plus longtemps qu’ils ne le voudraient afin d’assurer une pension suffisante. De plus, les personnes déclarant un mauvais état de santé prévoient de prendre leur retraite plus tôt que les autres se sentant en bonne santé.
Si les réformes semblent produire l’effet désiré par les décideurs politiques, l’étude souligne qu’elles sont également susceptibles de reproduire des inégalités sociales. Les auteurs concluent que ce sont souvent les groupes sociaux déjà défavorisés qui sont limités dans leur transition attendue du travail à la retraite.
Étude réalisée par Moritz Hess, Laura Naegele, Lena Becker, Jana Mäcken et Wouter De Tavernier (2021). Planned Retirement Timing in Europe: Are Europeans Adapting to the Policy of Extending Working Lives. Frontiers in Sociology. DOI: 10.3389/fsoc.2021.691066
URL: https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fsoc.2021.691066/full
Cet article a été traduit de l'anglais au français. Cliquez ICI pour le lire en version originale.
Photo : Unsplash / Beth Macdonald @elsbethcat